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Demande d'autorisation de disposer de l'énergie sur un cours d'eau dit « réservé » – Limite du seuil concessif – Plein contentieux – Incompatibilité avec les orientations fondamentales du SDAGE...

Page mise à jour le 28/09/2011

Demande d'autorisation de disposer de l'énergie sur un cours d'eau dit « réservé » – Limite du seuil concessif – Plein contentieux – Incompatibilité avec les orientations fondamentales du SDAGE répertoriant le cours d'eau comme de très bonne qualité écologique – Nécessité de préserver la continuité écologique – Indifférence de l'absence de fixation de la liste des cours d'eau au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement – Dérivation d’une partie importante du débit du cours d'eau – Impact significatif du projet sur le régime hydrologique – Risques d'atteinte à des espèces protégées fragiles – Annulation de l'autorisation (OUI)


« Considérant, que (…) la SNC Pervu a déposé une demande en vue d’être autorisée à exploiter une centrale micro-hydroélectrique d’une puissance maximale de 4 476 kw, dans les Pyrénées ariégeoises ; que cette centrale doit être implantée à la confluence des ruisseaux de l’Escorce et de l’Ossèse où se forme la rivière Alet, laquelle est classée comme « rivière réservée » ;


Considérant, (…) que les décisions relatives à la réalisation et l’exploitation des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique trouvent leur fondement juridique à la fois dans la loi du 19 octobre 1919 et dans les articles L.214-1 et suivants du code de l’environnement ; qu’elles relèvent, dès lors, en application de l’article L. 214-10 de ce code, d’un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l’article L. 514-6 ; qu’il en résulte qu’il appartient à la Cour de se prononcer sur le bien-fondé de l’autorisation litigieuse au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision ;


Considérant, que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) révisé du bassin Adour-Garonne, (…) a fixé au nombre de ses orientations fondamentales la préservation et la restauration de la continuité écologique des cours d’eau ; que cette continuité nécessite, ainsi que le rappelle le SDAGE, et comme le précise l’article L. 214-17 du code de l’environnement issu de l’article 6 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 adoptée dans le cadre de la transposition de la directive n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000, que soient assurés le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ; que, dans le cadre de cette orientation fondamentale, le SDAGE a procédé à l’inventaire des cours d’eau présentant un très bon état écologique, pour lesquels doit être préservée ou restaurée la continuité écologique ; que le bassin versant de la rivière Alet à l’amont de la prise d’eau de la centrale de Saint-Lizier, et par conséquent le ruisseau de l’Escorce et le ruisseau de l’Ossèse qui sont inclus dans ce bassin versant, font partie de cette liste ; qu’il appartient dès lors à la Cour, quand bien même la liste des cours d’eau visés au 1 de l’article L. 214-17 du code de l’environnement n’a pas encore été établie par le préfet coordonnateur de bassin, de vérifier que l’autorisation délivrée à la SNC Pervu n’est pas incompatible avec le fait que l’Escorce et l’Ossèse ont été considérés par le SDAGE aujourd’hui en vigueur comme des cours d’eau en très bon état écologique pour lesquels doit être préservée la continuité écologique ;


Considérant, (…) que la centrale en litige doit être alimentée au moyen de deux prises d’eau, situées l’une sur le ruisseau de l’Ossèse, l’autre sur le ruisseau de l’Escorce, à partir desquelles une partie du débit du premier de ces cours d’eau sera dérivé sur une longueur de 3,4 kilomètres, soit environ la moitié de sa longueur totale, et, pour le second cours d’eau, sur 2,5 kilomètres, les prises d’eau se situant respectivement à 1 060 et 945 mètres d’altitude pour une restitution de l’eau dérivée à une altitude de 776 mètres ; que, compte tenu notamment de la portion très importante de ces deux cours d’eau qui serait ainsi dérivée, et alors même que l’intégralité du débit prélevé en vue d’assurer le fonctionnement de la centrale doit être restituée en aval de celle-ci, le projet litigieux aura nécessairement, même en tenant compte du débit réservé, un impact significatif sur le régime hydrologique de ces cours d’eau et sur la continuité du transport de sédiments, notamment des sédiments grossiers ; que les modifications apportées au régime hydrologique sont de nature à porter atteinte en particulier aux espèces les plus fragiles présentes ou susceptibles d’être présentes dans ces cours d’eau, notamment le desman des Pyrénées et l’euprocte des Pyrénées, qui sont au nombre des espèces protégées répertoriées comme menacées, ou le triton palmé, espèce protégée, dont la présence est avérée sur le site ; que si le système de prise d’eau «par en-dessous » prévu par le projet est de nature à limiter l’impact de celui-ci sur la population piscicole, ce système n’est pas néanmoins dénué d’effets négatifs puisqu’il peut, ainsi que l’a relevé le Conseil supérieur de la pêche dans son avis défavorable du 1er juillet 2005, constituer un piège pour les poissons juvéniles en période de dévalaison ; qu’en outre, le projet rend la montaison plus difficile, en dépit de la présence de passes à poissons dites « en bassins successifs » ; que, dans ces conditions, le projet autorisé par l’arrêté litigieux est, en raison de ses caractéristiques mêmes, lesquelles sont de nature à porter atteinte à la continuité écologique des deux cours d’eau dans lesquels est prélevée l’eau nécessaire au fonctionnement de la centrale, incompatible avec le fait que ces cours d’eau ont été répertoriés par le SDAGE comme en très bon état écologique et comme devant ainsi être préservés d’atteintes à leur continuité écologique ».


CAA Bordeaux 29 novembre 2010, Comité écologique ariégeois et Association pour la défense et la protection de l’environnement en vallée d’Ustou (ADEPEVU), n° 09BX02369.

Outil concerné
SDAGE
Date de décision