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Zone de répartition des eaux – Prélèvement en nappe profonde antérieur à la loi du 3 janvier 1992 – Bénéfice de l'antériorité (NON) – Soumission au régime de l'autorisation – ...

Page mise à jour le 28/09/2011

Zone de répartition des eaux – Prélèvement en nappe profonde antérieur à la loi du 3 janvier 1992 – Bénéfice de l'antériorité (NON) – Soumission au régime de l'autorisation – Légalité de la limitation dans le temps de l'autorisation et des prescriptions complémentaires (OUI) – Méconnaissance des droits acquis (NON) – Obligation de mesure des quantités d'eau prélevées (OUI) – Dispositions du SDAGE reconnaissant à la nappe profonde une fonction de secours pour l'alimentation en eau potable – Légalité des prescriptions d'intérêt général imposant au permissionnaire l'alimentation des populations en eau potable en cas de crise (OUI) – Obligation de mise en compatibilité avec le SDAGE (OUI)


« Considérant, que M. DUFUS exploite depuis 1989 un puits de prélèvement d’eau à usage d’irrigation agricole dans la nappe de l’Albien sur le territoire de la commune de Dammarie sur Loing ; que cet ouvrage, qui ne relevait initialement d’aucun régime administratif d’autorisation ou de déclaration, s’est trouvé soumis au régime de la déclaration résultant des dispositions de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 et du décret du 29 mars 1993 susvisés ; que, M. DUFUS a demandé le bénéfice de l’antériorité prévu par l’article 41 du décret du 29 mars 1993 en faveur des forages existant avant sa publication et le préfet du Loiret, par récépissé du 27 novembre 1995, lui a donné acte de la possibilité de continuer à exploiter son forage sans déclaration ou autorisation spécifique, tout en lui précisant que ce récépissé de déclaration ne faisait pas obstacle à la prescription des mesures nécessaires à la protection des éléments mentionnés à l’article 2 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 alors applicable ; que, par arrêté du 23 mars 2009, le préfet du Loiret a imposé des prescriptions complémentaires à M. DUFUS pour la mise en conformité de son ouvrage de prélèvement d’eau ; que cet arrêté, d’une part, au travers de l’autorisation d’exploitation qu’il accorde pour une durée de trente ans, soumet l’ouvrage concerné au régime de l’autorisation, d’autre part, assortit cette autorisation de limitations et prescriptions ; que M. DUFUS demande l’annulation de cet arrêté ;


Considérant, (…) que, à la date de l’arrêté attaqué du 23 mars 2009, l’ouvrage de M. DUFUS, dont le débit est supérieur à 8 m3/h, ne relevait plus du régime de la déclaration prévu par les articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement mais relevait du régime de l’autorisation prévu par les mêmes dispositions ; que, par suite, M. DUFUS n’est pas fondé à soutenir d’une manière générale, au motif que la procédure appliquée par le préfet est celle relative au régime de l’autorisation, que l’arrêté qu’il conteste à été pris au terme d’une procédure irrégulière ;


Considérant, que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie, (…) dispose (…) « A l’intérieur du périmètre tel que défini sur la carte de l’annexe I, la nappe de l’albien et la nappe sous –jacente du Néocomien doivent être exploitées de manière à assurer impérativement leur fonction de secours pour l’alimentation en eau potable. Les prescriptions suivantes sont applicables aux prélèvements:/ (…) 5. Le niveau des pompes des forages actuels et futurs doit être tel que l’ouvrage soit opérationnel à tout moment pour faire face à une alimentation de secours, pendant une durée de trois mois, au débit de 150 m3/h ou, à défaut de pouvoir atteindre ce débit, au débit maximal exploitable connu lors des essais de pompage. Les forages actuels et futurs exploitants ces nappes doivent impérativement pouvoir être raccordés sous 24 heures aux dispositifs de distribution d’eau potable de secours ultimes quels qu’ils soient. Les ouvrages existants devront être mis en conformité avec ces prescriptions dans un délai de 5 ans à compter de l’approbation de la modification du SDAGE (…) » ;


Considérant, d’une part, que l’arrêté préfectoral attaqué a été pris, sur le fondement des dispositions précitées du XI de l’article L. 212-1 et de l’article R. 214-54 du code de l’environnement, en vue de rendre compatible l’ouvrage de M. DUFUS avec le SDAGE du bassin Seine-Normandie ;


Considérant, (…) qu’en l’espèce, (…) l’ouvrage de M. DUFUS se trouve soumis au régime de l’autorisation depuis le classement de la commune de Dammarie sur Loing en zone de répartition des eaux ; que, par suite, le préfet a pu légalement, sans méconnaître les droits acquis de M. DUFUS, qui ne saurait à cet égard se prévaloir d’un droit d’appropriation de l’eau, mentionner aux articles 1er et 3 de l’arrêté attaqué, que ledit ouvrage relève du régime de l’autorisation et accorder à l’intéressé l’autorisation de poursuivre l’exploitation de son puits sous réserve de prescriptions ; que, par ailleurs, en fixant, à l’article 1er de l’arrêté, une durée, en l’espèce trente ans, de validité de l’autorisation ainsi accordée, le préfet n’a pas entaché son arrêté d’erreur de droit (…) ;


Considérant, (…) que les prescriptions de l’article 7 de l’arrêté attaqué, qui prévoient notamment une inspection périodique décennale de l’ouvrage, visent à la mise à disposition de l’administration des performances de l’exploitation, sont nécessaires à la satisfaction des objectifs généraux fixés par la réglementation et résultent de la soumission de l’ouvrage concerné au régime de l’autorisation ; que M.DUFUS n’est dès lors pas fondé à soutenir que lesdites prescriptions constituent un changement notable des conditions de l’autorisation initiale ;


Considérant, (…) que, contrairement à ce que soutient M. DUFUS, les prescriptions prévues à l’article 8 de l’arrêté attaqué, qui lui imposent d’utiliser une pompe dimensionnée pour fournir un débit de 150 m3/h placée à une cote suffisante pour permettre l’alimentation en eau potable des populations en situation de crise ne peuvent s’analyser ni comme le dépossédant de son droit d’usage de l’eau à des fins d’irrigation agricole, ni comme une expropriation de son droit de propriété ; que le préfet a, par ailleurs, pu légalement fixer de telles prescriptions sur le fondement des dispositions législatives précitées de l’article L. 214-4 du code de l’environnement ; que le volume maximal de prélèvement de 30 000 m3 par an fixé dans l’arrêté attaqué correspondant à la moyenne des prélèvements du puits de M. DUFUS entre 2004 et 2007, que la prescription relative à l’installation d’une pompe d’un débit de 150 m3/h pour permettre la disponibilité de l’ouvrage est conforme au SDAGE et qu’au demeurant l’arrêté prévoit qu’à défaut de pouvoir atteindre le débit déterminé de 150 m3/h, un autre débit maximal sera déterminé lors des pompages d’essai (…) ; qu’enfin, M. DUFUS n’est pas fondé à contester les prescriptions du même article 8 qui lui imposent de mettre en œuvre les dispositions prévues par le plan local d’alimentation en eau de secours, une telle prescription relevant de la nécessaire compatibilité de l’autorisation avec le SDAGE du bassin Seine-Normandie ».


TA Orléans 23 novembre 2010, M. DUFUS, n° 0901996


Si les régions céréalières – au premier rang desquelles la région Poitou-Charentes – continuent d’alimenter régulièrement la jurisprudence sur les pouvoirs du préfet de limitation et de suspension des usages de l’eau en cas de pénurie exceptionnelle, plus rares sont les décisions contestées prises dans le cadre de la législation sur la pénurie chronique et, en l’occurrence, leur rareté fait leur intérêt. Ainsi à l’occasion d’une décision particulièrement motivée, le Tribunal administratif d’Orléans reconnaît la légalité de la soumission au régime de l’autorisation d’un prélèvement en nappe profonde, existant avant la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau, du fait du basculement vers le régime des zones de répartition des eaux, qui permet de soumettre à déclaration dans la zone considérée les prélèvements exemptés antérieurement de toute formalité et à autorisation les prélèvements précédemment soumis à déclaration, dès lors qu’ils atteignent ou dépassent 8 m3/heure. De surcroît s’agissant de prélèvements sur les nappes de l’albien et du néocomien reconnues par le SDAGE Seine-Normandie révisé en tant qu’approvisionnement de secours pour l’alimentation en eau potable de la région parisienne, le juge confirme la légalité de prescriptions imposées par le préfet au permissionnaire en vue de permettre l’alimentation en eau potable des populations en situation de crise.


Il rappelle à cette occasion que l’intérêt général, plus particulièrement l’alimentation en eau potable des populations, fondant l’article L. 214-4 du code de l’environnement, permet à l’Etat de retirer ou de modifier sans indemnité toute autorisation non conforme à cet égard, dès lors que l’eau, patrimoine commun, ne saurait faire l’objet d’une quelconque appropriation génératrice de droits acquis inexpugnables.


Cette affaire est à rapprocher du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 8 octobre 1996 Société lyonnaise des eaux c. Préfet de l’Essonne (n° 945611) passé en autorité de la chose jugée qui avait annulé un arrêté préfectoral autorisant le prélèvement et l’exploitation de la même nappe du néocomien pour un usage industriel, pour incompatibilité avec le SDAGE Seine-Normandie dans sa version antérieure plus restrictive à cet égard, qui avait reconnu les nappes artésiennes du néocomien et de l’albien stratégiques pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération parisienne en cas de crise grave, rendant impossible l’alimentation notamment à partir des eaux de surface, et fixant un plafond maximal de prélèvements.

Outil concerné
SDAGE
Date de décision