Cette présentation a été réalisée dans le cadre du séminaire national schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et trame verte et bleue (TVB) qui a eu lieu les 6 et 7 juin 2016 à Montpellier. Il a été organisé par le Ministère chargé de l’environnement, l'Office international de l'eau (OIEau) et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) devenu l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB), avec l'appui du groupe de travail national SAGE, des Agences de l'eau, de l'Atelier technique des espaces naturels (Aten), maintenant intégré à l’AFB, ainsi que des autres membres du centre de ressources trame verte et bleue.
SAGE et TVB : quels outils financiers pour la mise en œuvre ?
Matthieu PAPOUIN, Directeur du département de la planification et de la programmation, Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse
Gestion de l’eau : des échelles emboîtées
Le programme de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse sert à la mise en œuvre des actions qui aident à atteindre le bon état des eaux, à une échelle géographique pertinente pour la gestion de l’eau : celle du bassin versant. Principal levier financier pour la mise en œuvre des SDAGE et des programmes de mesures des bassins Rhône-Méditerranée et Corse, il sert également à l’élaboration et à la mise en œuvre des SAGE à l’échelle des sous-bassins (animations et opérations qui en découlent). La dernière échelle de mise en œuvre est le niveau départemental au travers des plans d'actions opérationnels territorialisés (PAOT), une déclinaison locale des programmes de mesures des bassins sous l’égide de la mission inter-services de l'eau et de la nature (MISEN).
La morphologie et les atteintes à la dimension physique des cours d’eau sont la première pression à l’origine de la non atteinte du bon état. La stratégie dans le bassin Rhône-Méditerranée est, premièrement, de préserver l’espace de bon fonctionnement du cours d’eau en lien avec la prévention des inondations et l’entrée en vigueur de la compétence GEMAPI. La promotion des actions de restauration physique des cours d’eau visant simultanément l’amélioration de leur fonctionnement écologique et la prévention des inondations, par la réduction de l’aléa, est aussi une priorité. Le troisième objectif est la préservation des zones humides, en prenant en compte leurs fonctions hydrologiques (expansion des crues), biogéochimiques (action sur la qualité de l’eau) et de production de biodiversité.
Le programme de mesures cadre les actions
Le programme de mesures comprend une entrée territoriale et une entrée thématique : les ouvrages à restaurer pour la continuité écologique, les captages prioritaires et les plans de gestion de la ressource en eau sont des objectifs systématiques. Le programme de mesures Rhône-Méditerranée 2016-2021 vise par exemple à restaurer 300 km de cours d’eau et à rétablir la continuité écologique sur près de 1400 ouvrages. Au niveau infra des sous-bassins, des objectifs sont à atteindre et des mesures sont identifiées à l’échelle des masses d’eau. Elles sont élaborées en lien avec les acteurs locaux. Néanmoins, ce programme n’a pas de portée juridique : c’est l’intersection entre la vision descendante du bassin sur ce qu’il faut faire pour le bon état des eaux et la vision ascendante des acteurs locaux pour retirer des bénéfices à la restauration des milieux au niveau local.
Programme Sauvons l’eau 2013-2018 : principal outil financier
En ce qui concerne l’aspect financier, le programme d’intervention 2013-2018 de l’agence de l’eau a trois priorités majeures qui ont fait l’objet de financement supérieur par rapport au programme précédent : la quantité de l’eau (doublage des aides allouées pour mettre en œuvre les économies d’eau), la qualité de l’eau (continuer à mettre au norme les stations d’épuration en particulier en agissant sur le temps de pluie) et la restauration des milieux aquatiques (connexion avec la TVB).
Ainsi, 414 millions d’euros d’aides dont prévus sur cette période de 6 ans pour les opérations de restauration des milieux aquatiques, soit deux fois plus que pour le précédent exercice. Ces opérations se traduisent au niveau des sous-bassins principalement dans les SAGE et les contrats de milieu. En termes de gouvernance, la CLE est chargée de s’assurer que le contrat est en adéquation avec les objectifs du SAGE (aucun passage direct en comité d’agrément). Plus généralement, la CLE est chargée de trouver les consensus et de proposer les actions à réaliser. Concernant la TVB et l’aide fournie par l’Agence de l’eau, trois postes principaux sont concernés : la restauration de la continuité écologique, la restauration écologique des cours d’eau et les zones humides. Ces trois aspects sont en résonnance directe avec la TVB.
À titre d’exemple, un projet est mené par l’Office national des forêts (ONF) et la communauté de communes de Chindrieux sur le marais de Chautagne, la plus grande zone humide des Alpes en cours de restauration (1500 hectares de marais). Deux éléments principaux d’actions ont été identifiés : le premier sur une restauration de la forêt présente pour renforcer le côté humide de la zone (gestion des seuils de vanne, en comblant des drains, en procédant à une conversion de la forêt alluviale pour la rendre plus adaptée au fonctionnement hydraulique), le deuxième sur la reconversion d’une parcelle de maïs de 60 hectares (valorisation pastorale par comblement des drains, vannage sur canaux, étrepage de la parcelle, valorisation agropastorale sectorisée).
Voir/Télécharger la présentation
Restauration de la TVB au Parc naturel régional du Morvan
Nicolas GALMICHE, Coordinateur LIFE+, Parc naturel régional du Morvan
Éléments de contexte
Les cours d’eaux du Morvan constituent un écosystème fragile qui abrite une faune très variée et exceptionnelle : moule perlière, chabot de rivière, lamproie de rivière, loutre, etc. Néanmoins, des perturbations sont à l’origine de la raréfaction d’espèces d’intérêt patrimonial et de perte de biodiversité : la fragmentation de la continuité écologique et la dégradation de la ripisylve sont des facteurs limitants majeurs. La gestion de l’eau passe alors par la protection et la conservation d’espèces qui sont des marqueurs fiables du bon fonctionnement des cours d’eau. Il est crucial de rétablir leurs milieux de vie afin de permettre leur survie. En effet, la présence en abondance de ces espèces marque un bon état général des cours d’eau, preuve d’une gestion favorisant les équilibres fonctionnels.
L’exemple du programme LIFE et de sa problématique
Au niveau des outils mobilisés au Parc du Morvan, deux territoires sont identifiés : la partie Nord, avec le Contrat Global Cure Yonne et la partie sud avec le Contrat Territorial Sud Morvan. Le programme LIFE, L'Instrument Financier de l’Union européenne pour l’Environnement, concerne les deux régions et le site Natura 2000 de la basse vallée du Cousin. Les financements sont variables en fonction des zones et du niveau d’intervention : plus il y a de l’ambition, plus les Agences de l’eau vont monter leur pourcentage de co-financement. Ce qui est intéressant avec le programme LIFE, c’est que les actions sont financées à 100% avec un co-financement européen de 50% et le reste avec des co-financeurs français de type « agences » et « régions ».
Sur la rivière du Cousin, le programme LIFE s’intéresse à la problématique de la moule perlière, population d’eau douce encore fonctionnelle et qui a un cycle de vie particulier : c'est une espèce hermaphrodite qui va libérer des larves dans le cours d’eau. Celles-ci se fixent dans les ouïes d’un poisson hôte pour se transformer en jeunes moules et s’enterrer dans le sédiment. Cela suppose une très bonne qualité des eaux, une disponibilité en truite fario et surtout une qualité certaine du fond du lit de la rivière. Sur cette rivière, un héritage riche de 26 seuils de moulins existe : cette succession de moulins modifie la rivière de manière importante, incompatible avec les populations de truites fario et moules perlières.
Les outils et leviers d’action nécessaires
Le programme cherche à trouver des solutions pour restaurer la trame bleue et retrouver une population correcte de truite fario. L’aspect scientifique est extrêmement important dans la démarche et pour la concertation à venir (nécessité d’avoir des éléments scientifiques locaux pour convaincre les élus). Des travaux en lien avec la température sont effectués, au même titre que des travaux sur la caractérisation des habitats aquatiques ou sur les populations de poissons dans les plans d’eau. Des protocoles expérimentaux sont aussi utilisés pour prendre en compte l’impact du colmatage généré par les seuils et l’impact de la baisse d’oxygène dans le milieu hyporhéique. Des cartographies sont ensuite réalisées pour apporter une expertise qui parle au grand public. Une communication préalable en découle (identification visuelle du programme, presse écrite, radio, télévision, posters, livrets de présentation, site web, exposition itinérante, bande dessinée, panneaux sur le terrain, sorties avec les élus et animations scolaires). Un travail a également été effectué sur un guide pédagogique spécifique au Morvan, sur un film et sur un parcours pédagogique dans la vallée du Cousin : le parcours de vision (maquette interactive).
Les sciences humaines et sociales ont également un rôle extrêmement important dans le processus. L’appréciation du patrimoine est très différente entre les aménageurs et les usagers : le critère scientifique fait face au critère affectif, la naturalité des cours d’eau fait face à la préférence des eaux calmes et maîtrisées. Il est impossible de faire appel uniquement à la raison ou à la science pour restaurer les cours d’eau : c’est une culture du compromis. À ce titre, le jeu d’acteurs est donc très complexe. Le maître d’ouvrage doit composer avec le propriétaire du moulin, tout en prenant en compte les bureaux d’études pour les études et la maîtrise d’œuvre, les financeurs, les services de l’État, la DREAL, les lobbys, etc.
Les leviers d’action ne se résument donc pas seulement à l’appui financier et au pouvoir réglementaire, bien qu’indispensables. Il est nécessaire de prendre en compte les sciences humaines et sociales, d’être ancré localement et de connaître son territoire d’action, le tout en restant positif dans chaque démarche. Être présent pour les riverains est également essentiel, surtout sur le terrain. Étayer scientifiquement ses propos avec des études locales, savoir où sont les limites scientifiques et s’appuyer sur les outils de communication complètent le tableau d’ensemble.